Damien Saez dévoile sa symphonie dans les arènes de Nîmes (live report)

Publié le 17 juillet 2023 à 12:30

Sa Symphonie des Siècles, il en rêvait. Et voilà qu’il l’a concrétisée. Un concert de Damien Saez totalement à son image : improbable, intime, ambitieux. Aussi décalé que magistral.

Live Report...

Qui peut faire ça aujourd’hui ? Sans com’ ni label, réunir ses fans dans les Arènes de Nîmes plus de trois ans après leur avoir fait payer des places. Sans aucune lisibilité de date ni de lieu. La pandémie aura fait les dégâts que l’on connaît mais nullement enrayé l’indéfectible lien unissant Damien Saez à ses fans. Contre vents, covid et marées, La Symphonie des Siècles annoncée le 16 mai 2020 a pris vie ce 1er juillet 2023. Une soirée de près de 4 heures 30 minutes, enregistrée en live pour en faire un disque. Un moment hors du temps, hors du carcan assourdissant asséné par notre monde qui se perd un peu plus chaque seconde.

Concert annoncé à 20h00. Pas vraiment du genre à l’heure, Damien se pointe sur scène à… 19h00 ! Les mains dans les poches, il regarde sa guitare, repart… revient les yeux pétillants comme un gamin : « Je vais vous jouer quelques reprises ». Il nous apprend que son premier concert, c’était il y a 24 ans, en première partie de Massive Attack… ici-même, aux Arènes de Nîmes. Et en rejoue la trame en guitare solo, avec des reprises chères à sa jeunesse : Leonard Cohen (« Hallelujah »), Radiohead (« Fake Plastic Trees ») ou encore Ben Harper (« Burn One Down »). Petite pause avant un retour solitaire pour livrer de nouvelles compositions. Parmi lesquelles un hommage à Jacques Brel (« Ces gens-là 2023 ») ou ce « Je suis féministe » pétri d’humour et d’auto-dérision. Un peu plus tard, le fameux « Jeune et con » qui fit jaillir l’étincelle du succès, joué pour la première fois en ces lieux il y a pratiquement un quart de siècle.

Damien est de bonne humeur comme il l’a rarement été. Décontracté et blagueur, le bonheur de sa présence est palpable, loin du mal-être sévissant sur certaines tournées. Assis sur son canapé en cuir (le même que celui du Zénith pour le chapitre Mélancolie), il enquillera ses habituels Jack Daniel’s/coca, mais n’allumera aucune cigarette.

Arrive l’heure du symphonique avec l’Orchestre National d’Avignon. La séquence débute par cinq mouvements instrumentaux durant lesquels Damien se fait spectateur. Assis sur le côté de la scène, son verre à la main, il savoure. Techniquement, il ne révolutionne pas le genre. Mais les arrangements sont ficelés avec savoir-faire et sensibilité. Les envolées portent.

Pour la suite, Saez regagne son canapé. Il entame une nouvelle chanson « Les désespérés ». Et là, dès les premières notes… il se passe un truc indéfinissable. L’éloquence de paroles déclamées avec les tripes, les larmes aux yeux. L’émotion chape les arènes. La seconde partie du morceau est purement instrumentale : pendant que l’orchestre joue, Damien se couche sur son canapé, le regard dans le vague, se recroquevillant progressivement en position fœtale. Désarmante suspension.

Ma plus belle histoire d’amour, c’est vous…

Le titre éponyme de cette symphonie est un véritable uppercut. Damien y scande sans détour la violence de cette putain de vie. Mais aussi son histoire d’amour avec le public. Une interprétation sans filtre, mélancolique et bouleversante.

Autre moment fort, la venue d’Ana Moreau, muse de la sphère saezienne (actrice, modèle et même auteure : le flamboyant « Bonnie torchée, Bonnie torchon » c’est elle). Très tendue, Ana donnera une répartie vocale sensible et emplie de symbolique sur le duo « Les exs ».

Et puis il y a ces instants extramusicaux juste magiques. Lorsque par exemple Damien tance sans détour le public quant à son manque d’entrain participatif :

« Non mais je vais aller à Lille demain. Demain je suis à Lille. Vous allez me donner un peu la gaule sans déconner ? Vous allez me tirer un peu la gaule pour la rentrée ou je prends ma retraite ? Qu’est-ce que c’est que ce bordel ?!! Normalement y a des seins nus partout… non mais ça va pas du tout là ! Allez balancez là ! »

Ainsi déroule La Symphonie des Siècles, entre compositions inédites, versions revisitées et interludes épiques. Sorte de sublime désespérée, chargée d’amour, tavelée d’humanité. Sur « Les magnifiques », arrivent sur scène les fidèles Franck, Alice Botté et Geoff (guitares/batterie). Une configuration composite ouvrant plus encore le prisme musical de cette soirée hors-norme. Pour le dernier acte, l’orchestre s’éclipse, laissant place à un dénouement rock : poignée de classiques saeziens auréolés par l’intemporel « Putain vous m’aurez plus »

Alors au final, comment résumer la Symphonie des Siècles ? Le chef d’œuvre inespéré d’un artiste dont le combat est devenu obsolète ? Un homme insaezissable dans la vie comme sur scène, capable de gueuler comme un putois, boire comme un trou, partir en cacahuète, faire rire, faire chialer… un insurgé à fleur de peau qui avant de quitter la scène balance à son public avec une pointe de pudeur : « Vous êtes ma famille ». Un cabossé de la vie, devenu extraterrestre dans l’industrie musicale parce qu’il est resté humain.

#Authentique

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