Damien Saez était de passage au Zénith de Caen. Son âme d’insurgé à vif immuablement tenaillée au corps. Alors qu’un persistant sourire aux lèvres fendillait l’habituelle obscurité apocalyptique.
Live report.
9 décembre 2019 : Totalement consumé, Damien Saez mettait un terme forcé à son concert Lyonnais ainsi qu’à la fin de sa tournée. Tenant à peine debout, il quittait la scène de la Halle Tony Garnier soutenu par un technicien. Le 9 décembre prochain, il conclura son tour 2023 à l’Accor Arena de Paris. Symbolique coïncidence d’une résilience assez percutante, à l’instar de celle insufflée dans sa musique. Toujours aussi abrasive mais plus nuancée. Tout aussi superbe dans la révolte que dans la poésie.
Chez Saez, pas de première partie si ce n’est la sienne. Et quelle première partie ! Une petite dizaine de morceaux magistralement interprétés avec ses huit musiciens. Notamment le fidèle trio de gratteux aguerris : Franck Phan (le pote d’enfance), Daniel Jamet et l’inoxydable Alice Botté (Higelin, Thiéfaine...). Tandis que l’angélique Ana Moreau prend désormais place comme véritable alter ego vocal.
L’ouverture electro-acoustique laisse la part belle est à l’EP « Telegram », immersion personnelle dans la guerre en Ukraine. Comme de coutume, les chansons sont remaniées (la tension sous-jacente du splendide final du titre éponyme). Damien Saez chante avec ses tripes, sa douleur (le timbre fissuré sur « A nos amours »). Des maux sur lesquels la voix délicate d’Ana apporte un baume salvateur. Progressivement, la douceur empathique se dissout dans une tonalité plus agitée. A commencer par l’hymne à la liberté féminine « Germaine » (n’en déplaise aux « féministes »), auquel succède le toujours aussi efficace (et tristement vrai) « Fin des mondes ».
Courte pause avant le retour (à l’exception d’Ana qui suivra tout le reste du concert sur le côté de la scène). Le collectif déploie une poignée de classiques saeziens taillés pour le live (« Cigarette », « Marianne », « J’accuse », « Pilule »...). Une séquence électrique et vindicative confirmant la « bonne » forme de Damien. Du moins nettement meilleure que depuis des lustres. Le poète écorché se lèvera d’ailleurs plusieurs fois de son canapé au cuir suranné qu’il quittait si peu depuis le Zénith Parisien de Mélancolie. Prenant plaisir à parcourir la scène, danser et bien sûr trinquer à la santé de son public.
Engagé, enragé (la rythmique incisive et martiale de « Fils de France »), Saez n’a rien perdu de sa verve cinglante (« Manu dans l’cul »). Bien en voix, il sourit à l’envi et fait même (discrètement) preuve de bienveillance envers les membres de son équipe. La prestation monte sous pression sans pour autant verser dans la noirceur dystopique devenue marque de fabrique ces dernières années.
« J’ai pas encore la gaule mais quand même une demi-molle »
Dénué d’impulsivité et autres coups de colère, Damien demeure fidèle à sa singularité. Tançant gentiment son public, histoire de faire grimper la température du Zénith. Pendant que sa formation se charge d’envoyer le bois.
Lorsque les lumières se rallument, le sourire de Damien Saez se retrouve sur celui de la foule caennaise. Un transfert illustrant une fois encore sa grande force. Celle d’un artiste aussi ingérable qu’imprévisible au fonctionnement suicidaire, totalement hors des sentiers battus. Mais qui contre vents et marées a su tisser des liens indéfectibles avec ses fans. Au fil des années, des décennies, ces derniers répondent toujours présents. Un trésor dont l’intéressé a bien conscience, lui qui le lendemain saluera le Liberté de Rennes sur ces mots :
« Je sais que parfois il y a des chansons que j’ai pu faire qui vous ont aidé à tenir debout. Et là c’est vous qui m’aidez moi à tenir debout. Vous avez pas idée à quel point. Vous savez pas à quel point. Merci ma famille, merci mes amis. Merci infiniment... »
#HistoireDAmour
Le live report de la Symphonie des Siècles de Damien Saez aux arènes de Nîmes est à (re)vivre ici.
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